Conseil en écriture
Conseil en écriture

Projet littéraire

Projet littéraire

« Tu me diras que c’est peut-être un peu cliché : je suis une femme qui écrit sur des hommes, et d’emblée j’en fais des incapables, inaptes à s’occuper du foyer. Mais ce n’est pas exactement ça. Je suppose que l’idée peut avoir un côté cliché, mais qu’elle célèbre aussi quelque chose de moderne… Je m’explique. »

Le beau-père mange de tout donc, mais le mathématicien et le père ne mangent que des aliments très végan. Et, ce qu’il se passe, comme je l’ai dit, c’est qu’il y a des malentendus. Tout un tas de non-dits, avec des imbroglios et de gros liens de cause à effet. Je te passe les détails, mais précisons pour commencer qu’aucun d’eux n’a jamais cuisiné.

Au-delà de ça, aucun de ces personnages n’a jamais vécu en colocation. Avant, ils vivaient chacun en couple avec leurs femmes. C’est une vraie première pour eux. Tu me diras que c’est peut-être un peu cliché: je suis une femme qui écrit sur des hommes, et d’emblée j’en fais des incapables, inaptes à s’occuper du foyer. Mais ce n’est pas exactement ça. Je suppose que l’idée peut avoir un côté cliché, mais qu’elle célèbre aussi quelque chose de moderne… Je m’explique. D’un côté d’une planète, figure-toi des incapables. De l’autre côté, des experts. Puis, tout autour, amalgamés mais flottants, graviteraient ceux qui essaient. Ils ne font même pas de leur mieux; ils font leur possible. Avec les moyens du bord: comme leurs névroses, par exemple, mais aussi leurs désirs, leur gabarit ou encore la météo du jour. Mes hommes, les trois Indiens, ils sont de cette école; ils sont de ceux qui gravitent.

Pourquoi l’Inde ? Eh bien, très spontanément. Car c’est un espace full ressources narratives : les dieux, la nourriture, les prénoms… Avais-tu déjà entendu parler d’Aakash, de Tulsidas ou de Jasbeer ? Eh bien, ce sont les prénoms de mes personnages: tous empruntés. Récoltés sur des sonnettes d’immeubles, sur le chemin du refuge à Anderlecht. À la recherche de Paillette. Non, évidemment, toujours pas retrouvé. Je te l’aurais dit…

C’est à « Veeweyde », le refuge. Tu vois… on en apprend tous les jours ! J’avoue que je n’ai pas vérifié les origines ethniques des prénoms indiens (merci de le souligner). Je ferai ça en rentrant. Bref… La coloc’ est mal partie, même s’ils font tous pas mal d’efforts. Puis, un jour qu’ils prennent leur premier vrai repas tous ensemble, qu’ils ont mis les petits chapatis dans les grands, Jasbeer, le beau-père sort une blague. »

Extrait d’un roman en cours d’écriture, Pas Paillette, pp. 74.

Projet littéraire

« Ce mot ne portait plus en lui aucune vérité. Il était devenu laid et mensonger. Il ne cadrait pas avec la rue qu’ils décidaient de voir. Ils se penchèrent pour le ramasser et le mirent aux ordures, dans le calme. »

« Par terre derrière la vitre de l’arrêt où ils s’arrêtèrent pour attendre le bus, un journal écrit et distribué par des personnes sans domicile fixe perdait espoir et laissait ses pages se déchirer petit à petit au gré du froid. Son titre: « Solidarité ». Quand ils le lurent, ils éprouvèrent de la gêne. Ce mot ne portait plus en lui aucune vérité. Il était devenu laid et mensonger. Il ne cadrait pas avec la rue qu’ils décidaient de voir. Ils se penchèrent pour le ramasser et le mirent aux ordures, dans le calme. »

Extrait de fragments inspirés par Bruxelles, Paris, Athènes, non publiés, en cours, commencés circa 2018

Projet littéraire

« À cet instant, le cerveau d’Alina, éprouvé par des mois d’isolement et de non-sens, lance l’alerte, puis prend feu. »

Des moments significatifs de sa vie, ou de celles de ses proches apparaissent, dans de cruels flashs successifs. Ses grands-parents ont fait de la prison pour leurs idéaux, ont résisté, se sont battus dans les montagnes contre le fascisme. Ils ont eu faim pendant des années, ont élevé leurs enfants dans l’amour et la culture de l’humanisme, dans celle de l’amitié, de l’entraide et des arts. Sont restés ouverts, généreux, après tout ce qu’ils avaient vécu. Une génération plus tard, les parents d’Alina, eux, ont voulu créer une vie meilleure pour elle et ses frères. Ils ont travaillé dur, leur ont payé des études. Alina révère la littérature, la vie vraie, poétique, inchiffrable, hors ligne, les instants suspendus, la recherche de vérités, la camaraderie, la connexion, la liberté, la franchise, les horizons. Elle a peur de la lutte, de l’inconfort, de la controverse, de la colère… Et aujourd’hui, en plein télétravail et sur vidéo, sur ordre de Julia, boss qu’elle connaît à peine, elle doit raconter son week-end, son havre maigre, son monotone jardin secret, qui n’a de secret que sa quasi-vacuité, son interstice ridicule planté au milieu de semaines de travail inutile. Elle doit donner en patûre à ses collègues ce qui lui reste de liberté, enfermée dans un hiver encore régulé par les mesures de non-prolifération.

Extrait de « Monday meeting », issu du texte fragmentaire sur les villes de Bruxelles, Paris et Athènes, non publié, en cours, commencé circa 2018

Projet littéraire

« Je les imagine blessés, puis finalement endurcis. Dans le « vrai ». Mais impropres à la consommation. Hier soir, j’ai reçu un message de mon collègue Alexis. Il aurait voulu « échanger un jour. » À la fin du message, était écrit: « En toute laïcité, je te souhaite un joyeux lundi. » Charmant angle mort. C’était lundi de Pâques. »

« Adolf (le prénom a changé) clique. Frotte sur son téléphone, sur des photos de filles, des filles réelles, des êtres vivants, pensants, géographiquement « quelque part » mais là. La loi du tinder capital règne. Lorsque je ne suis pas là où il me veut, il remplit le vide par des petits filets, des liens lancés avec ses pouces vers d’autres personnes de chair, des femmes en vie, des êtres pensants, photographiés, auto-promus, en quête de validation, en attente de jouer leur spectacle, et lui pareil. Ils passent un temps incalculable à cela. À se donner de l’attention et à croire que c’est d’amour propre (ou d’estime de soi?) dont ils se régalent.

Et s’ils n’avaient pas joué à cela, qu’auraient-ils fait de ces milliers d’heures passées seuls, dans leur lit, le soir ?

Je me demande d’un coup si beaucoup de gens ont l’occasion de pousser une introspection totale, sans personne. Probablement que oui, mais je ne les vois pas. Ils sont surement cachés derrière un arbre centenaire, ou sous une couette sentant le chat, ou le patchouli. Je les imagine blessés, puis finalement endurcis. Dans le « vrai ». Mais impropres à la consommation.
Hier soir, j’ai reçu un message de mon collègue Alexis. Il aurait voulu « échanger un jour. » À la fin du message, il était écrit: « En toute laïcité, je te souhaite un joyeux lundi. » Charmant angle mort. C’était lundi de Pâques. »

Extrait de Façades, une recherche sur le logement et sur l’intimité évadée, menée sur 5 ans de sous-locations dans des logements appartenant à des artistes inconnus de 2017 à 2022, non publié